Auteur/autrice : Anne D.
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Rapport sur nos expériences de mégie
Voici quelques unes des peaux qui ont été mégies durant l’été 2007.
Nous avons pu nous procurer ces peaux, fraîchement dépouillées, auprès d’un particulier.
La mégie n’a rien de magique… C’est « simplement » de la biochimie.
L’association pratique des expérimentations de tannage traditionnel uniquement sur des peaux d’animaux issus de notre alimentation, nous sommes contre le fait de tuer un animal uniquement pour son pelage ou son cuir.
Voici une courte vidéo pour vous montrer le ponçage et les textures obtenues: https://youtu.be/vdxeoESk3rY
Au début de la vidéo, il s’agit de la peau de mouton mégie. Ensuite, une peau de caprin mégie et rasée avec une lame d’obsidienne.
Nos expérimentations de l’été 2007
1.Les peaux de lapins
La peau de lapin est très fine et délicate, sur les conseils d’un tanneur professionnel, nous n’avons pas utilisé de couteau et avons tout fait avec les doigts. La couche de l’hypoderme se détache en une seule fois avec un peu de pratique, à la façon d’un opercule de pot de yaourt.
Reste le derme avec sa fourrure qui seront plongé dans un bain d’eau tiède où l’on ajoute un peu de sel, de l’alun, des œufs et de la farine. (Lien vers la recette précise)
La peau de lapin est très facile à traiter de cette façon, on peut dire qu’elle est « mégie » et non pas tannée car aucun tannin végétal n’a été utilisé.
Après quatre jours de trempette, les peaux sont tendues sur un cadre et rangées dans un endroit frais en été, pour ne pas que l’eau s’évapore trop vite et que le collagène de la peau ne souffre de la température.
L’opération la plus délicate est bien la mise en tension sur un cadre, la fine peau se déchire facilement, il est indispensable de tendre progressivement et sans forcer. Il faut utiliser une cordelette assez grosse pour ne pas fendre la peau lors de la tension. Ici pour ne pas tacher le cuir lors du perçage, nous avons fabriqué une pointe en os bien utile.
2.Les peaux de caprin
Même traitement pour les peaux de caprin sauf que l’écharnage est plus physique. Lors de cette opération, nous n’avions pas de banc de tanneur, une planche bien plate nous a servi à écharner ces peaux très fraîches. Le but est de ne pas abîmer le derme tout en enlevant les restes de chairs et de graisse.
Une fois les peaux écharnées, elle sont pickelées. C’est à dire que le pH est progressivement baissé vers pH5. Pour cela, un eau légèrement vinaigrée est utile. Le bain de mégie est réalisé dans des grands bacs en bois, pierre ou des poubelles en plastique. Mais surtout pas en métal (zinc, acier..). Il faut remuer très souvent les peaux et les maintenir sous la surface avec des planches lestées. La température idéale pour réussir cette étape est 20°C (+/-5°C). La texture de la peau va changer, gonfler, blanchir légèrement. Au bout de 3/4/5 jours, selon la température, il faut sortir la peau du liquide. Puis la mettre à égoutter à l’ombre.
Le lendemain, il est possible de commencer à les finitions. A l’aide d’un éclat de silex, la peau est grattée du côté chair pour enlever les débris de l’hypoderme. (Idem qu’avec la peau de lapin ci-dessus). Une fois la peau plus sèche, le ponçage peut commencer. Une pierre de volcan (pouzzolane) fait très bien l’affaire. Il y en a des plus ou moins rugueuses.
Voici le résultat, après ponçage et séchage. Les peaux ont gardé leurs poils et sont bien résistantes. La souplesse n’est pas tout à fait parfaite cependant: Un palissonnage (action d’assouplir) est nécessaire avant un séchage complet de la peau.
3.La peau de mouton
Pour cette peau, nous avons procédé d’une autre façon. Les poils ont été épilés à la main, ce qui nous a évité d’utiliser des bains de cendre ou de chaux (solutions basiques) qui obligent à un long rinçage sous peine d’avoir du parchemin. Or, lors de ces expériences, nous ne disposions pas d’une grande quantité d’eau.
La peau est écharnée sur un banc de tanneur.
Après un bon rinçage, les peaux sont pickelées avec du son fermenté (pH 5), cette opération servirait à faire descendre le pH de la peau et la prépare à recevoir la « pâte à crêpes ». Une eau tiède légèrement vinaigrée peut faire l’affaire. Dans tous les cas, il faut éviter les chocs thermiques qui peuvent resserrer les pores de la peau et empêcher le traitement d’être efficace.
Une fermentation contrôlée permet de faire tomber les poils sans utiliser de bases (cendre, chaux), il rendrait le cuir plus souple mais cette opération nécessite plus d’expérience.
Ces images sont certes peu appétissantes mais il ne se dégage aucune odeur malsaine de ces traitements.
Nous avons mégi cette peau uniquement avec du sel et de l’alun. Le bain à duré 3/4 jours en remuant très souvent et à une température modérée et stable. Ensuite, elle a été mise à égoutter comme les peaux précédentes.
Comme la peau est encore humide, du soin et de la douceur est nécessaire pour la mettre en tension. Cette étape est très importante pour étirer les fibres de collagène. Son aspect est rosé, quelques traces de couteau témoignent de notre inexpérience.
Détail de l’aspect de la peau côté chair après la finition.
4.Conclusion
Nous sommes plutôt satisfaits de ces expériences. Les peaux obtenues sont souples, douces et d’un blanc immaculé. Plus de dix après, elles ont gardé le même aspect. Il est possible de travailler cette matière pour réaliser des bourses, des étuis et même des vêtements.
Le « tannage » à l’alun ou plutôt le mégis est une technique très ancienne.Une des plus ancienne source de son utilisation nous viens des Hittites (-2000 ans), c’est un sel natif double d’aluminium et de potassium.
Le rôle de l’alun n’est clairement pas encore expliqué de nos jours… Effectivement ça marche, pourquoi ça marche ? Nous ne le savons pas. Néanmoins, ce traitement n’est pas aussi durable que le tannage au tannins (jus d’écorces d’arbres), c’est pour cela que très peu de sources archéologiques sont répertoriées.
Il existe d’ autres modes de tannages, nous les avons brièvement répertoriés dans un autre article.
Recette de mégis à « la pâte à crêpe »
Recette de mégie:
- Écharner la peau comme montré dans cet article, il y a un petit coup de main à prendre. Dans les 48 h après l’abattage.
Si la peau est sèche / salée, il faut la rincer 24 heures dans l’eau de pluie propre. Mais le mieux est de procéder sur une peau fraîche. - Préparation de la peau (pickelage) : 10 l d’eau et 10 poignées de borax (12h) puis rinçage ou bien étaler sur les peaux du son fermenté. De l’eau légèrement vinaigrée fonctionne aussi. Cela ouvre les pores et prépare à l’opération suivante. Le but est de descendre le pH de la peau progressivement vers pH5.
- Dans 10 L d’eau tiède (25 °)verser 500 g d’alun, 100 g de sel, 6 jaunes d’œuf, 3 poignées de farine blanche, il faut bien dissoudre l’alun. Dans 10 L, nous avons fait 5 petites peaux de lapin.
- Touiller et immerger les peaux 24 à 48 h, jusqu’à 72 h, examiner souvent la peau se gonfle légèrement et change d’aspect et de texture. Puis, garder la mixture dans un endroit tiède et remuer souvent.
- Enfin rincer 10 minutes les peaux dans un 10 l d’eau tiède ajouté de 100 g de bicarbonate de soude.
- Égoutter sur cadres ou perches sans exposer au soleil mais dans un courant d’air sec. Il vaut mieux palissonner avant séchage complet. Il s’agit de frotter la peau coté chair sur l’arête d’une planche ou d’une lame en métal pour l’assouplir: c’est une opération plutôt longue.
Au besoin poncer la peau au papier de verre gros pour amincir la peau.
Essayez de travailler la peau avant qu’elle soit complètement sèche et ne pas sécher trop brusquement la peau.
Voila ! Nous vous souhaitons une bonne mégie et n’hésitez pas à nous faire part de vos expériences.
Références bibliographiques:
– Cuir et peaux par Jacques Bérard et jacques Gobillard. Environ 125 pages. Très complet pour débuter.
– Savoir tanner les peaux de petite taille par J. Sudre. Essentiellement du traitement de peaux de lapin.
Essai de reconstitution d’un seau en « cuir bouilli » de la fin du 16è siècle ou du 17è siècle
Ce seau en cuir durci a été commandé par le musée des pompiers de Lyon car cet objet manquait à leur collection.
Les modèles d’époque étant aussi onéreux qu’introuvables, j’ai eu pour mission de reconstituer le plus fidèlement possible ce seau d’après des documents issus d’une collection privée.
Il a été réalisé de deux couches de cuir de bovin de 3,5 mm, durci selon ma technique à la gélatine. Puis badigeonné d’huile de lin siccative.
Muni de renforts en cuir et en corde de chanvre, il est léger, étanche, rigide et incassable.
Les coutures au point sellier sont réalisées avec du fil de lin poissé.
Devant les ravages que pouvait provoquer un incendie dans une ville, par décret, chaque propriétaire de maison était tenu de faire fabriquer un certain nombre de seaux à incendie.
Il en existait aussi en tissu ou en osier.
Ce modèle a nécessité une trentaine d’heures de travail, en comptant le plan de réalisation ci-dessous.
Voici, ci-dessous, le seau original sur lequel je me suis appuyée pour réaliser cette reconstitution.
Le musée des pompiers de Lyon recherche tout texte ou image concernant la lutte contre les incendies, de l’antiquité jusqu’à la fin du Moyen Age.
Merci d’envoyer les documents à association.orchis@gmail qui transmettra.